Klaq

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[–] Klaq@jlai.lu 3 points 6 hours ago

Des membres proches de La Manif pour tous À l’origine de l’Observatoire de la petite sirène, les psychanalystes Céline Masson et Caroline Eliacheff se définissent elles-mêmes comme des « lanceuses d’alerte ». En février 2021, elles publiaient un premier « appel », envoyé notamment via une liste de diffusion du psychiatre Patrick Landman, qui rassemble « tout le gratin de la psychanalyse, des parents d’autistes, des psychiatres, des neuroscientifiques, des journalistes… ». Cinq cents personnes en tout, selon son détenteur, qui n’a toutefois pas signé cet appel. « Je n’étais pas contre tout ce qu’il racontait, mais c’est un positionnement que je trouvais un peu extrémiste, plutôt culturel, politique, idéologique, et j’avais peur que ce soit trop loin de la pratique clinique. Il me semble qu’ils n’ont pas vérifié tout ce qu’ils disent, en particulier sur la dérive qu’il y aurait en France », explique Patrick Landman. Parmi les membres du « groupe de travail de l’Observatoire » ayant conçu ce document figurent notamment Olivia Sarton, directrice scientifique de Juristes pour l’enfance, proche de La Manif pour tous, qui s’était positionnée contre la PMA pour toutes, ou encore la neurochirurgienne Anne-Laure Boch, qui est notamment intervenue lors d’une manifestation du collectif « Marchons enfants » en octobre 2019. Aude Mirkovic, directrice juridique de Juristes pour l’enfance, très investie dans La Manif pour tous, apparaissait également comme membre de ce groupe dans l’appel envoyé initialement, mais a disparu de la liste figurant aujourd’hui sur le site du collectif. « Elle ne fait pas du tout partie de l’Observatoire, nous n’avons pas de liens avec elle », rétorque Céline Masson, qui assure par ailleurs n’avoir pas non plus de liens avec Juristes pour l’enfance ou avec La Manif pour tous.

https://www.mediapart.fr/journal/france/170522/mineurs-trans-des-groupuscules-conservateurs-passent-l-offensive

On risque de les retrouver très rapidement.

[–] Klaq@jlai.lu 2 points 8 hours ago* (last edited 8 hours ago)

C'est un vrai travail la refonte d'une identité visuelle et la mise en œuvre d'une charte graphique. Ce n'est pas très respectueux d'assimiler ça à une dépense futile.

Sinon 180k c'est une paille pour un CHU (c'est même pas le salaire de certains spécialistes), en plus c'est du budget com et pas RH, et faut mettre ça au regard d'investissements qui peuvent se faire à plusieurs millions sur des équipements qui ne seront peut-être jamais amorti.

C'est dommage parce qu'il y a sûrement des sujets beaucoup plus importants concernant ce CHU, comme par exemple l'arrivée d'un nouveau directeur qui une fois effectué le tour des comptes de l'établissement, fait remonter un deficit de 8 millions d'euros.

[–] Klaq@jlai.lu 2 points 11 hours ago
[–] Klaq@jlai.lu 7 points 2 days ago (1 children)

Où l'on apprend qu'Attal a doublé Macron, que Macron en a rien à battre de l'extrême droite au pouvoir, et que Darmanin parle des blédards qui ne voteront pas en juillet.

[–] Klaq@jlai.lu 5 points 2 days ago (3 children)

Un tempo de retard Peu importe la souffrance personnelle, rien ne serait pire que « le déshonneur », fait-on valoir dans l’entourage de Gabriel Attal. Mais le trouble saisit les proches du premier ministre lorsqu’ils découvrent que certains candidats ont été contactés par les équipes de l’Elysée, et parfois par le chef de l’Etat lui-même, pour leur demander de se tenir à l’écart de ce front républicain naissant. « Il y a un chemin. Tu te maintiens ? », demande Emmanuel Macron à un député sortant, prêt à se désister. « Le RN est trop haut, il va gagner quoi qu’il en soit », répond celui-ci. « Toi, tu te maintiens ou pas », insiste Emmanuel Macron, comme s’il ignorait la réponse de l’élu.

Le président et ses proches s’interrogent : faut-il faire barrage au RN à tout prix ? Si front républicain il y a, « il faudra délimiter le périmètre », glisse Brigitte Macron. « Faites attention à ne pas créer l’effet inverse », dit-elle en imaginant mal des électeurs de droite voter pour un candidat de la gauche radicale face au RN. Depuis Marseille, l’époux de Sabrina Agresti-Roubache prévient l’Elysée : « “Sab” va se retirer. » Pas de réponse. Sans attendre, la ministre de la ville, qui a vu les bureaux de vote les plus bourgeois choisir massivement le RN, annonce son désistement devant les caméras. « Ma “Sab”, je suis dégoûté de te perdre… Tu as pris la bonne décision », lui glisse Gabriel Attal au téléphone. « That’s life. Il faut revenir à nos fondamentaux pour ne pas se perdre, je veux me regarder dans le miroir », répond-elle. Emmanuel Macron ne l’appellera que bien plus tard, après que cette proche du couple présidentiel a reçu les félicitations de trois ministres.

Autour de la table de l’Elysée, les hommes du président s’efforcent de lire dans les pensées de ce chef qu’ils ont adulé. François Patriat, toujours indulgent, juge qu’il lui sera moins douloureux de nommer Bardella à Matignon que de donner les clés à Marine Le Pen en 2027. Peut-être parce qu’il pourrait, en cohabitation, « appuyer sur le bouton pour le mettre dehors et rester le maître des horloges ». Maîtriser le temps, une illusion tant cette campagne express s’est jouée avec un tempo de retard. Elle devait pourtant prendre tout le monde de court. Quand, le 9 juin au soir, Emmanuel Macron aborde avec des proches les dates de ces élections anticipées, il espère qu’une campagne de trois semaines lui donnera l’avantage. « Le 7 juillet, les blédards seront partis et ne voteront pas LFI », lâche Gérald Darmanin, en petit comité, l’esprit déjà tourné vers sa circonscription de Tourcoing (Nord) – des propos que le ministre de l’intérieur dément.

« Il fallait dépressuriser », martèle-t-on dans l’entourage présidentiel, pour décrire l’état d’esprit d’Emmanuel Macron face au mécontentement populaire. Le fidèle de la première heure, Alexis Kohler, juge que la coupe est pleine. Et envisage bel et bien, cette fois, de quitter l’Elysée – interrogé, l’intéressé ne commente pas. Le haut fonctionnaire défend jusqu’au bout l’idée de cette dissolution périlleuse, y compris si le scrutin propulse le RN à Matignon. « Le président peut se sacrifier pour éviter la victoire de Marine Le Pen en 2027 », dit-il en substance autour de lui. « Cohabitation vaut mieux que succession », glisse aussi Richard Ferrand à un député de l’aile gauche, laissant entendre que donner au RN les clés du camion sans essence mènera les lepénistes dans le mur.

Valse-hésitation Passé la sidération, le scénario d’un gouvernement dominé par l’extrême droite n’effraie plus autant la garde rapprochée du président. « Ce n’est pas lui qui mettrait le RN au pouvoir, ce sont les Français. Lui, il a prévenu qu’il peut y avoir la guerre civile, ensuite les Français font ce qu’ils veulent ! », relaie François Patriat. « Si le RN montre en deux ans qu’il est parfaitement incapable de gouverner, on peut espérer qu’il n’ira pas plus loin », rapporte le père du chef de l’Etat, Jean-Michel Macron, dans un entretien au Dauphiné libéré, le 3 juillet, en ajoutant que c’est « un peu ce que [son] fils [lui] avait dit deux mois avant les élections européennes ».

Avant de se décider à dissoudre, Emmanuel Macron maugréait contre une Assemblée nationale qu’il jugeait « ingouvernable » depuis juin 2022. Récolter une Chambre plus instable encore, au risque de frôler la crise de régime le 7 juillet, signerait son échec. « Quoi qu’il arrive, il faudra une majorité à cette Chambre, nous verrons les proportions. Nommer Bardella aurait une logique institutionnelle », décrypte un conseiller de l’Elysée.

La valse-hésitation élyséenne ulcère une partie des troupes macronistes. « On va avoir le choix dimanche entre les héritiers de Vichy et la IVe République », tance, sur RTL le 3 juillet, Clément Beaune, ancien sherpa d’Emmanuel Macron, affirmant sa préférence nette pour la deuxième option. A l’approche du second tour, les partisans du front républicain reprennent espoir. Les désistements massifs, tant du côté du camp présidentiel qu’à gauche, pourraient faire effet.

D’heure en heure les sondages évoluent, éloignant la probabilité d’une majorité absolue offerte à l’extrême droite. L’équipe de campagne de Gabriel Attal n’ose y croire, tandis que le RN, lesté par les profils racistes, antisémites et parfois criminels de dizaines de ses candidats, lance ses dernières forces dans la bataille. Pendant ce temps, l’animateur star de la chaîne réactionnaire CNews Pascal Praud raille les « tripatouillages et magouillages » des partis adversaires au RN, en écho à Jordan Bardella et Marine Le Pen, et à l’extrême droite prompte à associer le front républicain à un « vol » de l’élection

[–] Klaq@jlai.lu 5 points 2 days ago (4 children)

Le buffet est installé sur la terrasse de l’Elysée. Ce dimanche 30 juin, la soirée est fraîche pour un été naissant. Un frisson parcourt la quinzaine de convives, tous des hommes, réunis autour d’Emmanuel Macron pour suivre les résultats du premier tour des élections législatives. La vague populiste qui a submergé le pays lors des européennes s’est transformée en tsunami. L’extrême droite a séduit plus de 10 millions d’électeurs. « Ce n’est pas un vote de colère, c’est un vote d’adhésion », analyse le chef de l’Etat. Le « peuple », à qui il voulait redonner la parole, amplifie le message envoyé le 9 juin. Voilà plusieurs jours déjà que le président de la République sait qu’il lui sera impossible de rafler une majorité solide, comme il l’imaginait.

Cette dissolution qu’il présentait, le 24 juin, au micro du podcast « Génération Do It Yourself » comme un geste de « confiance » envers les Français, fustigeant « le système qui pense que les gens sont idiots », vire au naufrage du camp présidentiel. Le Rassemblement national (RN) peut remporter la majorité absolue. « Il faut se préparer », prévient le sénateur de Côte-d’Or, François Patriat, assis autour de la table. Le chef de l’Etat laisse entendre qu’il pourra « gérer ».

A 20 h 01, le bref communiqué de l’Elysée est diffusé auprès des rédactions. « L’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », énonce le président, laissant planer une ambiguïté sur le soutien apporté au Nouveau Front populaire (NFP) pour battre le RN. Ira-t-il jusqu’à appeler à voter pour des candidats « insoumis » afin de faire barrage à l’extrême droite ? Mystère.

« Ça dégaze trop à Matignon » Le jambon, les fromages et le vin rouge disparaissent peu à peu. Les résultats circonscription par circonscription s’égrainent au fil d’une nuit qui s’étire. Brigitte Macron passe une tête. « Celui-là, je l’aime bien », commente la première dame au nom d’un candidat, compatissant à l’annonce de l’échec d’un autre. Il est minuit tout juste quand, oubliant le pays sous le choc, on sort le champagne. C’est l’anniversaire de Richard Ferrand, 62 ans. François Patriat dépose un baiser sur le crâne de l’ancien président de l’Assemblée nationale. On rit. Ce dernier, froissé du sort réservé à son ami Gilles Le Gendre, que le parti macroniste a refusé d’investir à Paris, se déride. Le Breton pardonne même cette folle dissolution à Emmanuel Macron. Comme d’autres, il s’est fait une raison.

Depuis la rive gauche de la Seine, on refuse de baisser les armes. Gabriel Attal, aidé de ses communicants, tâche depuis le 9 juin de se sculpter une stature de valeureux combattant de l’extrême droite. Le chef de gouvernement, ancien socialiste, refuse l’idée d’une passation de pouvoir avec le leader lepéniste Jordan Bardella, qui entacherait son destin politique. Après avoir bataillé contre « les extrêmes », plaçant sur le même plan le RN et LFI, le trentenaire fait valoir que l’alliance de gauche n’a plus aucune chance de décrocher la majorité. La menace existentielle pesant sur la République se concentre désormais sur le parti fondé par Jean-Marie Le Pen. Peu avant 22 heures, le premier ministre porte le fer contre son ennemi numéro un. « Notre objectif est clair : empêcher le RN d’avoir une majorité absolue au second tour », tonne Gabriel Attal depuis le perron de Matignon, appelant tous les candidats de son camp arrivés en troisième position à se désister pour déjouer la victoire de l’extrême droite.

Le coup est parti. Emmanuel Macron n’a pas regardé la déclaration de son premier ministre. Aucune télévision n’a été allumée près de lui. A quoi bon ? Les deux hommes sont en froid glacial depuis la dissolution. Gabriel Attal, convié à l’Elysée ce soir-là, n’y mettra pas les pieds. Depuis cette dissolution incomprise, les deux têtes de l’exécutif ne se parlent plus guère, sauf « nécessité de service ». Mais le chef de l’Etat connaît la position de son premier ministre qui, par le biais de son directeur de cabinet, Emmanuel Moulin, a prévenu le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. « Attal a mis le président devant le fait accompli », veut croire l’aile droite du gouvernement, où Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Aurore Bergé défendent le « ni RN-ni LFI » au second tour. Une volte-face confirmée au sein du cercle masculin qui dînait à l’Elysée. Gabriel Attal martèle son « combat » contre l’extrême droite, rappelant le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie consubstantiels au RN. « Ça dégaze trop à Matignon », peste Emmanuel Macron, agacé de voir son premier ministre accaparer les médias.

Jusqu’au mardi 18 heures, heure limite de dépôt des candidatures pour le second tour, une course contre la montre s’enclenche. Depuis le QG de campagne, rue du Rocher, à Paris, les équipes « attalistes » appellent, un à un, les députés qualifiés dans des triangulaires risquées pour les prier, parfois fermement, de se désister. Certains acceptent sans broncher. D’autres refusent, se braquent ou fondent en larmes. « Le désistement, c’est un processus difficile quand on est engagé la tête dans le guidon et qu’on a accroché la qualification, c’est très douloureux », compatit la députée Renaissance sortante Olga Givernet, arrivée en tête dans sa circonscription de l’Ain.

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[–] Klaq@jlai.lu 4 points 2 days ago

Gérard Depardieu faisant un Cosplay de SuperDupont déguisé en Napoléon rendant hommage à Vercingétorix

[–] Klaq@jlai.lu 1 points 2 days ago (1 children)

Oui, c'est pas forcément évident de dissocier un discours critique d'un discours passéiste. C'est aussi le reproche rapide adressé à Adorno dans un registre très proche (même courant d'analyse critique).

[–] Klaq@jlai.lu 7 points 2 days ago

Le pire c'est son regard mort qui s'éteint en regardant vers le bas, vers le néant, il se dit sûrement que si il ne regarde plus son interlocuteur alors il n'existe plus, il est caché, lepéniste perché tu peux pas me toucher. Dans ce bref intervalle de lucidité il a vécu une projection astrale et a réalisé qu'il n'avait rien à foutre là, que c'était un imposteur au service du chaos et qu'il était décidément dans le camp des mauvais.

Puis le journaliste, maître du temps, lui tend une perche pour à nouveau réintégrer son costume mal ajusté, afin que le carnaval puisse continuer et qu'il puisse reprendre sa litanie orwelliene avec une diction hésitante.

[–] Klaq@jlai.lu 5 points 2 days ago* (last edited 2 days ago)

Ça ferait limite de la peine si ce n'était pas un représentant d'un parti fasciste qui menace nos vies.

[–] Klaq@jlai.lu 1 points 2 days ago (1 children)

Et si tu live stream le truc avec quelqu'un en oreillette tu peux quand même tricher ? Voir tout simplement un double écran de l'autre côté où la personne te donne les réponses.

Tellement de gruge, ça me rappelle le lycée.

[–] Klaq@jlai.lu 5 points 2 days ago (1 children)

Félicitations ! (Même si j'ai compris 1 mot sur 2)

 

«Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie ("). Et il n'y a pas d'autre moyen que de faire l'animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l'ignoble: la pensée même est parfois plus proche d'un animal qui meurt que d'un homme vivant, même démocrate.» Cette tirade de Gilles Deleuze et Félix Guattari figure en exergue d'un ouvrage qui, lui aussi, «grogne», «ricane», et laisse échapper un souffle de révolte: Vivre et penser comme des porcs, de Gilles Châtelet. Docteur d'Etat en sciences mathématiques, l'auteur est aujourd'hui professeur à Paris-VIII. Après un passage à l'IHES, il fut un temps directeur de projet au Collège international de philosophie.

Gilles Châtelet propose un diagnostic de la société contemporaine, en prenant position, en un sens quasi militaire, contre toute espèce de compromis avec «la force des choses». Vivre et penser comme des porcs ressemble à une photographie du monde d'aujourd'hui. On y rencontre des économistes, sociologues et autres intellectuels, qui fabriquent l'époque à coups de concepts: société tertiaire de services, ère postindustrielle, démocratie-marché, monde communicationnel, fluidité des échanges, autorégulation" On y reconnaît des profils types, cyniquement dénommés Turbo Bécassine et Cyber Gédéon: des gens heureux, libres dans leur tête, «anonymes et précaires comme des gouttes d'eau ou des bulles de savon»: Gilles Châtelet tourne en dérision les effets de manches de la bonne conscience humaniste qui met plus souvent la main sur le coeur qu'au porte-monnaie pour rendre hommage aux charniers en tout genre, couvre de sarcasmes les attitudes niaises du bon genre réaliste qui juge «informatif» le zapping, «communicationnel» le surf sur l'Internet. «L'ordre cyber-mercantile» a réussi à plonger ce monde dans la «fluidité», autrement dit la circulation des biens et des personnes avec une réduction maximale de tous frottements . «C'est l'image photonique du monde rêvé par le financier spéculateur d'un monde où tout bouge absolument sans que rien ne bouge.»

Gilles Châtelet dénonce en outre un dangereux décervelage, car l'ère postindustrielle et postmoderne est aussi «post-métaphysique». Une solide articulation de vérités physiques (du chaos et de l'auto-organisation) avec les prétendues règles de l'économie mondiale est ainsi aux commandes d'un «mécanisme invisible qui est le véritable pouvoir dirigeant de notre monde». Ce pouvoir a la puissance d'une «Grande Armée» qui se fait forte «de conjuguer les talents des vestes en tweed des sciences molles et ceux des blouses blanches des sciences dures». Gilles Châtelet s'élève contre la manipulation du mercantilisme tout-puissant sur les individus, et contre ce qui en découle pour la pensée .

Châtelet montre comment «une science, la théorie générale des réseaux et systèmes (la cybernétique)» a favorisé «la fabrication de comportements garantissant une étanchéité totale à l'intelligence politique». Où l'on se flatte d'être toujours disponible «pour l'échange de tondeuses, de pastèques et surtout, bien sûr,"d'informations sans se contrarier le moins du monde de devenir des "unités organiques plus ou moins complexes, affublées de droits de l'homme et capables de "rétroagir à l'environnement». Il est illusoire de se conforter dans les analogies fumeuses entre une Nature chaotique et autorégulatrice, et une Culture supposée éclose dans quelque «anarchie rationnelle» incitant à un «laisser-faire» généralisé; également faux de réduire l'«homme ordinaire» à un «homme moyen», et intellectuellement douteux de réduire le langage à un pur et simple «rapport instrumental». Elles ont fait naître un vaste soupçon de parasitisme concernant toute activité qui ne manifesterait pas immédiatement une certaine «visibilité opérationnelle». «Et l'empiriste mercantile de beugler: "Il est temps de réquisitionner la science et la religion et de mettre à contribution tous ces savants qui ne fichent rien et tous ces prêtres qui font la guérilla!»

Quelques remarques consolantes: «Le malaxage en peuples-marchés et en cyber-bétail réversible n'a pas encore triomphé! L'excellence comme telle ­ celle des savants, des artistes, de penseurs ou des grands tribuns ­ est respectée par beaucoup de gens qui n'ignorent pas qu'il existe un abîme entre les parasites et les créateurs.»

L'auteur conclut avec un scepticisme confiant qu'il faudra beaucoup d'éloquence à la «Grande Armée» pour faire oublier que «nous serons bientôt sept milliards à être victimes de cette malédiction qui, voici presque deux siècles, scandalisait Burke: "Plus on produit de richesses, plus il y a de paupérisme!» «Le travail est écartelé entre le travail-corvée de la survie et le travail-performance de la Surclasse. C'est négliger que seul le travail-patience engage une amplification inouïe de la liberté, à la fois en extension, par le biais d'un développement de la puissance d'agir de chacun, et en intensité, par la découverte d'une plasticité propre à l'individuation humaine. (") Ce serait peut-être une définition moderne du communisme: "A chacun selon sa singularité. De toute manière, il y aura beaucoup de pain sur la planche, car nous devons vaincre là où Hegel, Marx et Nietzsche n'ont pas vaincu.»

 

Des inégalités sociales qui traversent la France, il n’est que peu, voire pas question dans les débats qui scandent la campagne législative, dominée par la problématique du pouvoir d’achat. Le sujet n’apparaît pas non plus dans la liste des thèmes que les enquêtes d’opinion placent en tête des déterminants des choix électoraux. Pourtant, « la crise de confiance française est très fortement corrélée avec le sentiment de ne pas vivre dans une société tenant sa promesse d’égalité », analyse le chercheur Bruno Cautrès dans l’édition 2024 du baromètre de la confiance politique, du centre de recherches politiques de Sciences po (Cevipof).

Difficile de savoir dans quelle mesure et dans quel sens ce ressenti oriente les comportements électoraux. Mais il caractérise une partie de l’électorat, notamment de ceux qui donnent leur voix au Rassemblement national (RN). « Durant mon enquête, le sentiment d’injustice était très présent », expose Félicien Faury, auteur de Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil, 240 pages, 21,50 euros). Des préoccupations qui, selon son analyse menée dans le sud-est de la France, portent « principalement sur les questions fiscales, résidentielles et scolaires », alimentées par l’impression que « tout un ensemble de ressources – des environnements résidentiels paisibles, des services publics de qualité, des écoles de bon niveau… – sont devenues rares, avec une vive compétition entre groupes sociaux pour y avoir accès ».

Le politiste évoque l’idée d’un « entre-soi raté » chez beaucoup d’électeurs RN, pris entre une « pression par le haut » des plus aisés et une « pression par le bas des plus modestes ». « Beaucoup ont l’impression que “les quartiers” les “rattrapent” », dans leur environnement résidentiel et scolaire. « Ils souhaiteraient pouvoir habiter ailleurs et s’en éloigner, mais ils n’en ont pas toujours les moyens financiers. Leurs ressources sociales ne sont pas à la hauteur de leurs aspirations ségrégatives », explique le chercheur. Cela « crée beaucoup de frustration vis-à-vis des autres groupes sociaux qui vont, eux, bien choisir les quartiers où ils habitent ».

« L’accès aux élites est fermé, mais le bas de l’échelle sociale semble très ouvert et subit de plein fouet la concurrence avec la mondialisation, dont l’immigration est le symbole. Entre les deux, la mobilité sociale n’est plus assurée comme autrefois », analyse le politiste Luc Rouban, chercheur au Cevipof, auteur des Racines sociales de la violence politique (Editions de l’Aube, 192 pages, 18,90 euros).

Les classes moyennes en périphérie

Concernant les écarts de revenus, la France est « au milieu du gué », « ni très égalitaire ni très inégalitaire », selon Louis Maurin, le directeur de l’Observatoire des inégalités. Mais les scènes résidentielle et scolaire, qui sont « au centre de la vie des individus et participent à la construction des sociétés », selon les mots du géographe François Madoré, professeur des universités à Nantes, sont bien le théâtre de phénomènes ségrégatifs, choisis par les uns, subis par les autres, notamment aux deux extrémités de l’échelle sociale.

Sur le plan résidentiel, depuis le début des années 2000, l’augmentation des prix de l’immobilier, bien supérieure à celle du niveau de vie, a ainsi changé la répartition des classes sociales sur les territoires, repoussant les classes moyennes en périphérie. Dans le même temps, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a imposé aux communes un quota de logements sociaux permettant, grâce à la politique de la ville, de créer, de maintenir ou de développer la mixité sociale. « Les prix de l’immobilier et l’accès plus ou moins large au parc social permettent de filtrer la population », souligne l’économiste Pierre Madec.

En 2020, une étude de France Stratégie montrait que la ségrégation résidentielle entre les groupes sociaux était relativement stable depuis une trentaine d’années. Elle était néanmoins plus forte parmi les ménages les plus aisés, davantage concentrés dans certains quartiers que les plus précaires. En 2024, une analyse de l’Insee fondée sur les revenus et menée à une échelle plus fine concluait que, « entre 2004 et 2019, les disparités spatiales selon le revenu se sont accentuées dans la plupart des grandes villes » et que « tous les groupes de revenus vivent dans des quartiers de moins en moins mixtes, à l’exception notable des populations les plus modestes ».

Contournements de la carte scolaire

Cédric Van Styvendael, maire socialiste de Villeurbanne (Rhône), une ville qui compte 28 % de logements sociaux et où le prix des habitations atteint les 7 000 euros le mètre carré, éprouve ce paradoxe au quotidien. « Faire habiter des gens différents au même endroit est important, mais cohabiter ne suffit pas à créer l’expérience de l’autre. Il faut que ça se traduise dans la manière dont on se côtoie, on se parle, on se confronte », juge l’édile, qui observe des différences « dans l’usage de certains lieux culturels ou de loisirs », comme les bars et les restaurants..

« Nous sommes dans un pays où la promesse d’égalité est extrêmement forte, constate Louis Maurin. Elle est écrite sur tous les frontons que chaque élève voit tous les jours : liberté, égalité, fraternité. Cela crée des attentes et des déceptions extrêmement fortes. » D’autant que le contraste peut se révéler violent entre la promesse d’égalité des chances et les trajectoires scolaires, influencées plus qu’ailleurs par le milieu d’origine. Or, « la ségrégation scolaire augmente, notamment du fait d’une différence croissante entre enseignement public et privé, même si toutes les situations ne sont pas homogènes », souligne le sociologue Marco Oberti.

Une ségrégation qui évolue indépendamment de celle du parc de logements, du fait des méandres de la carte scolaire et de ses contournements, soit au sein du public, soit du public vers le privé. Dans son ouvrage Vers la sécession scolaire ? (Fayard, 232 pages, 20 euros), le chercheur Youssef Souidi a ainsi montré que, « en moyenne, les élèves défavorisés vont dans des collèges plus défavorisés que leur voisinage, et inversement : les enfants favorisés vont dans des collèges plus favorisés que leur voisinage, et c’est d’autant plus vrai qu’ils vivent dans un quartier défavorisé ».

Si la question de la mixité irrigue de nombreuses actions publiques menées par les collectivités territoriales, nombreux sont ceux qui s’étonnent de l’absence quasi totale de cet enjeu dans le débat public national et de la timidité de l’action de l’Etat en la matière. Le sociologue Lorenzo Barrault Stella le résume : « Ce sont des évolutions larvées et qui ont des conséquences difficiles à percevoir, mais c’est une question politique centrale : on parle là ni plus ni moins que de la manière dont on fait société. »

Sylvie Lecherbonnier et Eléa Pommiers

 

Tu as peur ? Moi aussi.

Je me chie littéralement dessus et peine à réaliser qu'un votant sur 3 veut détruire le pays, ses valeurs.

Des sociologues peuvent m'expliquer le mécanisme d'exclusion de ces classes sociales constituant le vote RN, le sentiment de relégation, la respiration suffocante dans un climat médiatique d'insécurité culturelle, les usines qui ferment, la délinquance, les réformes insultantes, la baisse du pouvoir d'achat. Le bleu, le blanc et le rouge comme ultime refuge, l'identité nationale quand t'as plus d'identité de travail, de cité, de croyances.

Mais j'y crois pas. Le truc que je sens, au plus profond de moi, c'est ce qu'un mec le soir du 1er tour à appeler un vote d'enthousiasme. Ça les fait littéralement bander, pulsion autoritaire, désir de revanche, vouloir à nouveau se sentir maître à bord, en capacité d'exploser des gueules.

Pas grand monde à tilter sur la majorité absolue. Euphémisme de plein pouvoir.

Ça ne veut pas la paix dans les cités, la fin du trafic de drogue, ça veut un remake de la cité de Dieu, des images de Raid qui foutent des gros flingues dans la bouche de jeunes racisés, filmés en 4K en live diffusion sur Cnews. Ça veut pas remettre en question les droits des LGBTQI+, ça veut les humilier, les mettre dans dans états de honte, de marginalité, ça veut les voir aplatis puis écrasés.

Ce qu'ils veulent c'est une guerre civile. La pire ironie de l'histoire : sous prétexte de nationalisme ils veulent nous diviser plus que jamais. Trier le vrai français qui n'existe pas de l'ivraie barbue, lesbienne, chômeur etc etc. Ils oublient que leur nous racistes, sexistes, ne pourra qu'être minoritaire et le sera toujours.

Leur France n'existe pas. Leur France c'est le claquement imbécile du drapeau accroché dans la cour d'un bâtiment vide, c'est le ridicule d'un chant militaire là où il y a besoin d'entraide plus que d'armes. C'est un mollard face au vent.

Le pire, ce qu'ils ignorent ou feignent de pas voir : c'est que tous les gens qui taffent pour eux, qui torchent le cul de leur vieux, nettoient leur rue, administrent leur existence, les soignent, conduisent leur train, leur bus, leur sert à boire au camping, participent à leur divertissement, ce sont ceux qu'ils veulent voir disparaître.

Alors ouais, comme d'habitude, on va serrer les dents. Se serrer les coudes. On habite ici, on est née ici. Ils défendent un projet mort servant un fantasme, nous avons le réel de notre côté.

Alors même si j'ai peur, je sais qu'on sera toujours plus nombreux.

 

Merci d’être arrivé.e jusqu' ici et pour votre soutien !

La consigne :

Vous pouvez écouter librement les titres en ligne sur Bandcamp ou demander un lien de téléchargement de la compilation à cette adresse : fmi.compilation@gmail.com en échange d'une preuve de don (une capture d’écran) à une des assos suivantes:

Liste non-exhaustive

• NIVEAU NATIONAL & INTERNATIONAL •

Utopia 56

https://utopia56.org/

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées)

Les soulèvements de la Terre https://lessoulevementsdelaterre.org/soutenir

(Solidarité luttes écologistes et sociales)

ACRIMED (Action critique média)

https://boutique.acrimed.org/don

(Solidarité luttes culturelles)

Le STRASS - Syndicat du TRAvail Sexuel en France

https://strass-syndicat.org/

https://www.helloasso.com/associations/syndicat-du-travail-sexuel-strass/formulaires/1

(Solidarité luttes travailleurSEs du sexe)

l'Assemblée des Quartiers

Acteur.ices des quartiers qui regroupent plusieurs assos, initiative lancée il y a 2 mois. Iels travaillent à s'implanter sur le territoire :

https://www.instagram.com/assembleedesquartiers/

https://www.helloasso.com/associations/les-quartiers-s-en-melent/collectes/lancement-de-l-assemblee-des-quartiers

(Solidarité Quartiers populaires)

OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS

https://boutique.oip.org/719_p_51858/je-fais-un-don.html (Solidarités droits et dignité des personnes incarcérées)

DRIFT - Développement et Réseau d'Initiative Féministe Transrégionale

https://www.helloasso.com/associations/drift-developpement-et-reseau-d-initiative-feministe-transregionale

(Solidarité luttes féministes et LGBTQIA+ en région)

PALMED

https://palmedeurope.fr/index.php/faites-un-don

(Solidarité Palestine)

URGENCE PALESTINE

https://urgence-palestine.com/

https://www.helloasso.com/associations/jeune-palestine/formulaires/1

(Solidarité Palestine)

ACCEPTESS T - Actions Concrètes Conciliants : Education, Prévention, Travail, Équité, Santé et Sport pour les personnes Trans https://www.acceptess-t.com/

https://www.helloasso.com/associations/acceptess-t/formulaires/2/

(Accueil, accompagnement et luttes pour les droits des personnes Trans)

L'INSAART

https://www.insaart.org/copie-de-home

(Solidarité santé mentale - culture)

Confédération Paysanne https://www.confederationpaysanne.fr/gen_article.php?id=2265&t=AGIR%20!

(Solidarité luttes paysannes anticapitalistes et écologistes)

Le Planning Familial

https://www.planning-familial.org/fr/faites-un-don-au-planning-familial-119

(Education populaire. Accueil et accompagnement des personnes pour la défense des droits reproductifs et sexuels, lutte contre les inégalités de genres)

SOS MÉDITERRANÉE https://don.sosmediterranee.org/arya/~mon-don?_cv=1

(Solidarité droits des personnes migrantes et réfugiées en mer)

BANLIEUE CLIMAT https://banlieues-climat.org/don (Solidarité luttes écologistes en quartiers populaires)

COLLECTIF QRA - Queer Racisé·e·s Autonomes

https://www.instagram.com/collectif_qra/?hl=fr

https://www.paypal.com/paypalme/qtpocautonomes

(Solidarité LGBTQIA+ décolonial antiraciste)

Projet Cafi (Coordination des Actions aux Frontières Intérieures)

https://projet-cafi.com/

(Solidarité droits des personnes migrantes et réfugiées aux frontières)

ANAFE (Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers) http://www.anafe.org/

(Solidarité droits des personnes migrantes et réfugiées aux frontières)

Project Ground Zero (Film)

https://www.masharawifilms.org/fr/donation/

https://www.mediapart.fr/journal/international/140524/gaza-si-ce-n-est-pas-un-genocide-je-ne-sais-pas-ce-que-c-est

(Solidarité Gaza pour qu'elle raconte son histoire)

• PARIS & IDF •

FRONT 2 MÈRES / VERDRAGON

https://www.front2meres.org/soutenir/

(Solidarité luttes contre les discriminations et les violences faites aux enfants et écoféminisme)

Le comité des jeunes de Belleville pour les mineur.es isolé.es

https://www.instagram.com/belleville.mobilisation/

Leur cagnotte : https://www.helloasso.com/associations/liberte-egalite-papiers/formulaires/1

(Solidarité mineur•es isolé•es Paris Belleville)

Collectif Wilson

https://www.helloasso.com/associations/soutien-a-wilson

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées Paris Nord-Est)

CENTRE PRIMO LEVI - Soin et au soutien des personnes victimes de la torture et de la violence politique exilées en France.

https://primolevi.org/agir-et-donner/faire-un-don

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées)

Les midis du mie

https://www.lesmidisdumie.fr/

(Solidarité mineur•es isolé•es Paris)

Le Centre LGBTQIA+ de Paris et IdF https://www.centrelgbtparis.org/les-associations-adherentes

(Solidarité LGBTQIA+ Paris et IDF)

LAO POW’HER - Lieu d'Accueil et d'Orientation dédié aux jeunes femmes victimes de violences âgées de 15 à 25 ans

https://www.helloasso.com/associations/fit-une-femme-un-toit/collectes/je-soutiens-le-lao-pow-her

(Solidarité luttes contre les violences sexistes et sexuelles)

Le Bureau d’Aide et d’Accompagnement des Migrants et leur pôle LGBTQIA+

https://baamasso.org/fr/pole-lgbtq/

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées LGBTQIA+ Paris et IDF)

Le collectif Décolonisons le Féminisme

https://www.instagram.com/decolonisonslefeminisme/

(Solidarité féminisme décolonial)

COLLECTIF HORS SSS

https://horslarue.org/agir/faire-un-don/

• NORD •

L'Auberge des Migrants

https://laubergedesmigrants.fr/fr/

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées Calais)

Calais Food Collective

https://www.instagram.com/calais_food_collective

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées Calais)

Association Salam

https://www.associationsalam.org/

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées Calais)

• SUD-EST •

Roya Citoyenne (Vallée de la Roya)

https://www.facebook.com/royacitoyenne

(Solidarité personnes migrantes et réfugiées Alpes Maritimes)

SOROSA (Sororité, Solidarité, Accueil)

https://sorosa.fr/

(Soutien, accompagnement et défense des personnes exilées dans la Drôme)

https://docs.google.com/document/u/0/d/1ag1W5hfHRIgdn-1J-bv-9d3Qwjdfw95pQSLPb-RPCjI/mobilebasic#heading=h.xun3m61x7qy6

 

TLDR ; oui mais c'est compliqué.

 

Ne pas bouder les bonnes nouvelles, même si tardives.

 

Plein de choses intéressantes dans ce rapport.

 

« Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Ce sont les mots que Frantz Fanon, psychiatre martiniquais et français, penseur du racisme antinoir, avait entendus de son professeur de philosophie, également d’origine antillaise, et qu’il rapporta dans son livre Peau noire, masques blancs (1952). Fanon raconte qu’il avait d’abord compris cette phrase d’une manière abstraite, au sens de la fraternité universelle. Mais il comprit plus tard qu’il s’agissait d’une alerte très concrète : « Un antisémite est forcément négrophobe », observait-il. Quelques décennies plus tôt, l’itinéraire de l’écrivain notoirement antisémite Louis-Ferdinand Céline avait commencé par un séjour au Cameroun dont le récit donna lieu à un racisme antinoir d’une rare brutalité, déniant toute conscience de soi aux « nègres », « négresses » et « négrillons » qu’il avait fait travailler comme porteurs dans ses entreprises prédatrices dans la forêt équatoriale.

Un négrophobe est logiquement antisémite. Au début des années 1970, le Front national (futur Rassemblement national) naît comme une mobilisation raciste issue de deux mouvements convergents : les nostalgiques antisémites du nazisme et de la collaboration, et les partisans de l’Algérie française. Mobilisés contre les Algériens tous indifféremment désignés « musulmans ».

Ce terme, en reprenant le langage colonial, qualifiait les Algériens en général – même ceux de religion catholique – ce qui donna l’étrange identification de « musulmans catholiques ». Cette signification revient aujourd’hui, par exemple avec l’expression « musulman d’apparence » utilisée par Nicolas Sarkozy en 2012 en se référant au seul faciès.

Ancrage des migrations dans toutes les sociétés

Dès les années 1980, le Front national a converti son idéologie raciste en prenant comme cheval de bataille politique les immigrés postcoloniaux (maghrébins et subsahariens), devenus depuis la fin des années 1990 les « migrants ». La boucle est bouclée : le racisme antijuif, antinoir et antimusulman est le moteur de l’extrême droite d’hier à aujourd’hui. Et le thème de la migration, présenté par le Rassemblement national comme un problème urgent de sécurité et d’identité pour tous les Français et leur territoire, masque une infrapensée raciste réactivée face à la circulation des personnes issues des pays anciennement colonisés.

Les faits eux-mêmes, ceux qui concernent la mondialisation humaine et plus précisément la circulation des personnes à l’échelle de la planète, parlent d’une réalité bien plus grande et ordinaire que tous les fantasmes véhiculés à leur propos. La part relative de la France dans l’arrivée des migrants et réfugiés est plutôt en dessous des moyennes européennes. Et le lien systématique entre la migration et l’insécurité n’est pas prouvé par les données statistiques.

Depuis 2018, les nombreuses recherches produites par l’Institut Convergences Migrations décrivent l’ancrage des migrations internationales dans toutes les sociétés, de départ, de transit et d’arrivée, les transformations sociales et culturelles que vivent les personnes en migration et celles qui les accueillent, mais aussi l’ampleur des violences vécues par les personnes issues de pays du Sud face aux politiques hostiles de la plupart des Etats européens. Seule la mobilisation des sociétés civiles locales permet d’offrir un peu de répit et de soin.

Dans ce moment où nous avons la main pour choisir notre futur gouvernement, il est important de se souvenir du « deux poids, deux mesures » des politiques et discours des gouvernements français et européens en faveur de l’accueil des Ukrainiens, et des réticences voire de la franche hostilité des mêmes, face aux personnes fuyant l’Afghanistan, le Moyen-Orient ou l’Afrique subsaharienne.

Des responsables politiques, même de droite, ont pu défendre l’hospitalité des réfugiés ukrainiens parce qu’« ils [leur] ressemblent », déclara l’un d’eux. La France a pu accueillir 100 000 réfugiés ukrainiens et l’Europe 5 millions, sans que cela provoque le moindre campement de rue, sans polémique, sans accusation des associations pour « délit de solidarité », mais au contraire en mobilisant « d’en haut » le tissu associatif et les citoyens solidaires. Pour les autres, comme on sait, on retrouve le même langage depuis les années 2000, fait de la peur de l’« invasion » et du « remplacement » de population, comme si se rejouait la scène identitaire des « autres » aux airs de barbares.

Regarder autour de soi Que répondre ? On peut dire et répéter, bien sûr, que ces pseudo-descriptions implicitement racistes de la migration sont en contradiction avec les réalités du monde d’aujourd’hui. On peut expliquer que la « crise migratoire » est une crise de l’accueil, et que des choix politiques clairs (régularisation des travailleurs sans papiers, mise à l’abri et accès au travail et aux soins des personnes en situation précaire) auraient un effet immédiat de pacification sociale.

Mais on peut aussi inviter tout le monde à se faire un peu anthropologue, en regardant autour de soi, dans sa vie quotidienne, dans son travail, son bourg ou son quartier, la couleur de peau brune, noire, ou jaune, ou l’origine non française, des amis et voisins. Il est rare, pour ne pas dire exceptionnel, que chaque Français n’ait pas dans sa propre généalogie (ascendants, descendants, collatéraux et conjoints) des personnes à la couleur de peau, à l’accent ou au nom « qui ne font pas français ». Il est rare que cette altérité proche n’ait pas quelque chose à voir avec le passé colonial de la France, en Afrique, Asie, Océanie, au Proche-Orient ou aux Antilles.

En regardant ainsi autour de soi, on pourra entrevoir combien de personnes – et quelles personnes – seraient supprimées de notre vie commune si l’on appliquait le principe défendu par François-Xavier Bellamy, député européen de droite, voulant faire aussi bien que l’extrême droite et déclarant dans un débat télévisé [le 24 mai 2023 dans « C ce soir », sur France 5] que les immigrés de la première, de la deuxième et même de la troisième génération n’ont pas leur place dans notre communauté nationale.

Que l’on regarde, que l’on compte autour de soi, cela met en danger plus du tiers de la population française. Ce n’est donc pas la question de la migration qui inquiète l’extrême droite et la droite derrière elle. C’est la part d’étrangeté que chacun a en soi, chaque personne et tout le pays. Reconnaître cette part est la meilleure réponse à toute politique fondée sur la peur des autres.

 

« Pour nous, la victoire du Rassemblement national [RN], c’est tout sauf une surprise », confie Yvon Le Flohic, médecin généraliste dans un cabinet médical de Ploufragan, dans l’agglomération de Saint-Brieuc. Un morceau de France ordinaire, où le revenu annuel moyen était de 23 010 euros en 2021, presque identique à la moyenne nationale (23 160 euros). En 2020, on y comptait un quart de retraités. Parmi les personnes en activité, 20 % d’ouvriers, 30 % d’employés, 30 % de professions intermédiaires et 13 % de cadres ou professions supérieures. Le tout, au cœur d’une Bretagne historiquement imperméable aux extrêmes, affectée ni par la désindustrialisation, ni par le chômage ou l’insécurité.

Pourtant, le 9 juin au soir, la liste de Jordan Bardella est arrivée en tête aux élections européennes dans les Côtes-d’Armor, avec 28,21 % des suffrages (27,11 % à Ploufragan). En 2019, Renaissance était en tête, et Marine Le Pen obtenait 19 % des voix. « Dans notre cabinet, on voit défiler tout le monde, poursuit le médecin. Nous étions sûrs du résultat. Ici, les gens ont la sensation de ne plus être pris en compte, de ne pas être représentés, ils ne croient plus aux institutions. Et cela ne date pas d’hier. »

A l’échelle du pays, ces classes moyennes ont exprimé ce ressentiment le 9 juin, lors des élections européennes, certains par l’abstention, et beaucoup d’autres en votant en faveur du RN, traditionnellement plutôt ancré dans les milieux populaires. Selon l’analyse réalisée par OpinionWay, 41 % des ménages gagnant entre 1 000 et 2 000 euros par mois ont voté pour Jordan Bardella, et 33 % de ceux aux revenus compris entre 2 000 et 3 500 euros. Une percée sociologique : parmi les employés, le RN a gagné dix points entre 2019 et 2024, et quinze points parmi les professions intermédiaires.

De plein fouet

A ce malaise s’est ajouté un ouragan appelé inflation, qui a fait vaciller les modes de vie et les certitudes. « On n’avait pas vu une telle hausse des prix depuis quarante ans, et à l’époque, tous les salaires étaient indexés sur les prix, rappelle Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyses et prévisions à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est la première fois qu’on vit une telle crise inflationniste sans cette protection. »

Prises de plein fouet par la flambée des produits de base – l’alimentaire a connu une hausse de 20 % en deux ans, l’électricité de 70 % en cinq ans –, exclues des dispositifs d’aide destinés aux plus modestes, les classes moyennes ont vu leurs habitudes et leurs modes de consommation bouleversés, comme le raconte Elisabeth (elle a préféré garder l’anonymat), 56 ans, installée sur la côte varoise : « Depuis plusieurs années, j’ai pris l’habitude de compter chaque euro lors de mes courses, et je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule. Je vois aussi des hommes parcourir les rayons la calculette en main. Et ce n’est pas tout. Chaque dépense est planifiée, je ne peux plus partir en vacances, ni épargner. »

Les « périurbains » et les ruraux ont été plus pénalisés que les autres. On comptait, au plus fort de la crise, trois points d’écart dans la hausse moyenne du coût de la vie entre eux et ceux vivant dans les centres-villes, selon l’OFCE. Certes, les loyers sont plus élevés dans les métropoles, mais les périurbains ou les ruraux sont bien plus tributaires de leur voiture au quotidien et dépensent davantage en chauffage pour leur logement, souvent une maison individuelle.

Sous pression, les ménages ont du mal à boucler leurs fins de mois, une fois payées les charges fixes, l’électricité, le carburant, les assurances, et l’alimentation, et encore, en supprimant souvent les produits les plus coûteux. « Aujourd’hui, je ne vais plus au restaurant, à peine au cinéma, encore moins à l’opéra. Je voyage en rêve, je suis à découvert le 15 du mois, je paie mon garagiste en trois fois, et j’achète mes vêtements en seconde main », résume Anne, 50 ans, professeure certifiée à temps partiel et un enfant à charge.

Des dettes impossibles à apurer

Pour certains, la crise inflationniste s’est traduite par des dettes impossibles à apurer. « On voit arriver des gens qui n’auraient jamais passé notre porte avant, confirme Laetitia Vigneron, conseillère financière à l’Union des associations familiales (UDAF) du Cher. Des personnes qui travaillent, qui ont des crédits immobiliers ou des crédits voiture. » Entre janvier et mai, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France a augmenté de 6 % par rapport à 2023. « Le prix des courses a explosé. Les gens n’arrivent plus à s’en sortir. On voit des dossiers de surendettement constitués uniquement de dettes de charges courantes : loyers, assurances, électricité », renchérit Céline Rascagnères, également conseillère financière pour l’UDAF, dans l’Aude.

Pour ces personnes ni riches ni pauvres, la dégringolade ne se fait pas ressentir uniquement dans le train de vie. Elle est aussi symbolique. « Dans ma tête, un prof faisait partie des classes moyennes supérieures, il pouvait s’offrir deux-trois restos mensuels, des voyages pour le plaisir, des loisirs pour se cultiver, une petite maison pour la retraite et de l’argent pour les enfants, explique Anne, la professeure. Je suis déclassée. » Un sentiment partagé par bon nombre de ses semblables.

Audrey, une Parisienne de 44 ans, éducatrice spécialisée, gagne 2 100 euros par mois (salaire, prime et pension alimentaire), pour la faire vivre avec son fils : « Le déclassement social, je le vis de la façon suivante : un salaire insuffisant au regard de mes études et de mes responsabilités professionnelles ; le fait de ne pas avoir les moyens de scolariser mon fils dans le privé ; deux semaines de vacances seulement pour moi et une colonie de vacances, en partie financée par la ville, pour mon fils ; la perte de la valeur travail et l’absence d’ascenseur social. »

Michel, un retraité de 69 ans, est en colère : déposé en février 2024, le dossier de retraite de son épouse, atteinte d’une maladie neurologique, est toujours à l’étude. « En attendant, nous sommes confrontés à des problèmes financiers et à des problèmes de santé, mais nous n’avons aucune aide, car l’on considère que l’on gagne trop ! A ce jour, nous ne faisons qu’un repas sur deux, en mangeant des pâtes et des œufs, et encore, pas toujours. Quel plaisir d’avoir cotisé cinquante-deux ans pour en arriver là ! »

Précarité nouvelle

Le sentiment de déclassement s’exprime aussi au travers du regard d’autrui. Installée à Nantes, Catherine, bac + 5, est chargée de communication indépendante, avec des revenus autour de 2 500 euros par mois, « sans aucune perspective de progression ». Elle travaille chez elle, réfléchit depuis deux ans à changer sa voiture sans pouvoir franchir le pas, et ses dernières vacances se résument à une semaine à l’été 2023 dans un village éloigné du Limousin. Mais c’est face à sa fille que la conscience de sa précarité nouvelle la taraude le plus. « L’autre jour, elle a voulu que je lui achète un pull à 90 euros, à la mode chez ses copines. J’ai dit non. Elle s’est exclamée : “Mais, maman, on est pauvres ?” »

Anne, Audrey et Catherine incarnent la fragilisation financière des familles monoparentales, essentiellement des mères célibataires. Un tiers des pensions alimentaires reste impayé, et le taux de pauvreté dans leurs rangs atteint 32,3 %, contre 14,5 % pour l’ensemble de la population, selon des données de la Caisse d’allocations familiales ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques. Faut-il y voir un lien ? Parallèlement, le vote RN a progressé de manière spectaculaire chez les femmes : dix points entre 2019 et 2024, contre trois seulement chez les hommes, indique Ipsos. « Tenant à distance l’héritage viriliste et sexiste de son père, Marine Le Pen se présente comme une femme moderne, mère de famille, divorcée, travaillant, affichant sa “sensibilité à la cause féminine” », rappelait la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans une tribune du Monde du 13 juin.

Le sentiment de déclassement se voit parfois dans le regard des enfants, mais se mesure toujours par rapport à la génération précédente. « Moins bien que mes parents », déplore Tim, ingénieur dans la fonction publique, quand il parle de l’appartement de 68 mètres carrés qu’il a « difficilement » pu acquérir à Grenoble avec le fruit de son travail. Et il craint que sa propre descendance ne vive la même mésaventure. « Malgré une vie peu dépensière, je peine à épargner et à financer pour mes enfants des études équivalentes à celles que j’ai pu suivre, enchaîne-t-il. En somme, je vis moins bien que mes parents, et la dynamique est à la dégradation. »

« L’absence de perspectives, la difficulté de dessiner une trajectoire ascendante » font partie des désillusions des classes moyennes, souligne Nicolas Duvoux, sociologue à l’université Paris-VII, qui évoque l’érosion des « possibilités de vie ». Une érosion qui va en s’accentuant, s’inquiète le chercheur. « La précarité sur le marché du travail est devenue la norme, explique-t-il, particulièrement pour les jeunes. Or, la précarité dans l’emploi se traduit par l’impossibilité de construire sa vie de manière durable. Cela ronge le corps social. »

En vain

Confrontés à cette précarisation, les jeunes se sentent en outre comme rejetés des villes où ils ont parfois grandi, et souhaiteraient vivre. A 35 ans, Antoine, Bordelais, salarié dans l’associatif, voudrait acheter un 40 mètres carrés dans sa ville : « Impensable avec un smic seul. » Parisiens, Patrick et son épouse, deux enfants, cherchent à s’agrandir. En vain. « Impossible pour nous, couple d’ingénieurs, d’avoir plus de trois pièces. Même les logements sociaux auxquels nous avons droit sont au-dessus de notre budget. Nous voilà moins bien lotis qu’un ouvrier des années 1960 », tranche l’homme de 35 ans. Le problème est encore aggravé dans les régions très touristiques, où les résidences secondaires et autres meublés assèchent le marché pour les locaux, contraints d’aller habiter loin de leur travail – et d’avoir une voiture, qui plombe définitivement le budget.

Au fond, les classes moyennes « ont une vision ternaire de la société, décrypte le politologue Jérôme Fourquet : « Pour eux, il y a en bas les plus pauvres, les assistés, et au-dessus les riches qui se gavent. Ils ont le sentiment d’être trop riches pour être aidés, trop pauvres pour s’en sortir, et d’être taxés pour financer un modèle social auquel ils n’ont plus accès. Le pacte social implicite, qui est de payer ses impôts mais, en retour, d’en avoir pour son argent, est rompu. »

Or la gauche, elle, oppose aujourd’hui une vision « binaire », estime M. Fourquet, qui repose sur l’idée du peuple contre les élites – un schéma dans lequel les catégories intermédiaires ne se retrouvent pas : « Le RN, en faisant par exemple de la voiture un thème politique, a réussi à créer une proximité avec les classes moyennes, qui se sentent enfin prises en compte. »

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